Corporate Sustainability Reporting Directive et normes ESG

Dans sa communication du 11 décembre 2019 intitulée Le pacte vert pour l’Europe, la Commission européenne décrit les principes de sa nouvelle stratégie de croissance plus durable et socialement juste.
L’opportunité est de mieux gérer les risques environnementaux et de les atténuer, voire d’en réduire les coûts. L’un des plans d’actions vise à développer des informations en matière de durabilité dans les entreprises et autres parties prenantes. Une nouvelle directive dite « CSRD »[1] renforce à cet effet les exigences de reporting en matières d’Environnement, de Social et de Gouvernance (normes ESG).
Cette directive permet de « mettre en place un cadre d’information solide et abordable, assorti de pratiques d’audits efficaces pour garantir la fiabilité des données ».
Cette réglementation entrera progressivement en application à compter du 1er janvier 2024.
Dans cette note nous aborderons le contexte de publication et les enjeux de la directive (I), puis le champ d’application et les éléments dont nous disposons sur le format (II), avant de présenter le calendrier et les opportunités business (III)
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I. Le contexte et les enjeux liés à cette nouvelle Directive
La Directive UE 2022/2464 répond à une nouvelle vision stratégique et aux besoins exprimés par plusieurs acteurs : investisseurs, utilisateurs et entreprises.
Toutes ont exprimé le besoin d’une meilleure information sur la contribution de l’entreprise à une économie durable et respectueuse de l’environnement. Les investisseurs pour aller dans le sens des orientations stratégiques globales. Les particuliers en tant que consommateurs concernés. Les entreprises ont de leur côté souligné la multiplication coûteuse de normes nationales hétérogènes et dispersées.
A travers ce besoin d’une information extra financière, c’est tout un système de conditionnement qui s’enclenche en termes :
- D’accès au financement bancaire,
- D’accès au marché européen pour les entreprises étrangères ayant des filiales et/ou des succursales sur le sol européen,
- De contrôle en matière d’écoblanchiment des produits financiers et de double comptabilisation
- De fléchage systémique des investissements vers les activités ciblées pour la transition écologique.
- De réputation de l’entreprise
C’est également la libre circulation des capitaux qui est en jeu.
II.Format et champ d’application
1. L’harmonisation des formats
L’objectif de ce nouveau texte, est d’harmoniser le reporting attendu de la part des entreprises et d’améliorer la disponibilité et la qualité des données ESG publiées. Toutes les données extra financières attendues dans les publications des sociétés ne sont pas de même nature. Certaines sont des normes universelles, d’autres des normes sectorielles. Enfin certaines des normes sont spécifiques pour les PME cotées sur les marchés règlementés. L’objectif est de relier l’information financière et non financières (informations sur les questions de durabilité).
A ce titre elle impose :
- Des normes harmonisées d’information en matière de « durabilité »
- Une accessibilité revue, puisque le reporting de durabilité sera publié dans une section dédiée du rapport de gestion[2] et sous un format digital
- Une évaluation de la qualité de la donnée à travers une vérification obligatoire de l’information par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant
- Des formats de reporting obligatoires
Le format des reportings obligatoires a été standardisé et structuré autour :
- Des incidences des activités de l’entreprise sur son environnement
- Des questions de durabilité
- De la « double importance relative » qui envisage les risques selon deux points de vue celui de l’entreprise d’une part et celui de l’entreprise sur son environnement (y compris humain)
- Des risques et opportunités d’une part et des impacts matériels en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance d’autre part.
2. Le champ d’application
Le champ d’application a été élargi à un nombre plus important de sociétés, supérieures à 250 personnes, sans compter les filiales et succursales étrangères présentes sur le sol européen et qui réalisent plus de 150 millions de chiffre d’affaires net voire aux succursales sans filiales (40 millions de chiffre d’affaires net). Au total ce sont 50 000 entreprises qui seront concernées.
III. Le Calendrier d’application
2022 |
Publication directive CSRD |
2023 |
Une transposition est prévue en droit français |
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Adoption d’une première série de normes d’information en matière de durabilité au plus tard le 30 juin 2023 par la Commission européenne |
2024 |
Entrée en application à compter du 1er janvier 2024 |
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Adoption d’une deuxième série de normes d’information en matière de durabilité, par voie d’actes délégués, au plus tard le 30 juin 2024. |
2028 |
la Commission devrait réexaminer le degré de concentration du marché de l’assurance en matière de durabilité et établir un rapport à ce sujet. |
2029 |
Le rapport sur la mise en œuvre de la présente directive modificative devrait être publié au plus tard le 30 avril 2029 |
Au final, plusieurs questions sont en suspens, comme la date de transposition de la directive, la questions de l’autorité de surveillance, des processus d’accréditation pour émettre un avis d’assurance, des modalités d’agréments des contrôleurs légaux des comptes et des cabinets d’audit. Dernier point, les Etats transposeront selon leur droit national et les entreprises qui auront obtenu les autorisations devraient pouvoir faire jouer le principe fondamental de libre circulation.
III. Les opportunités business
Nous développons une offre sur un nouveau marché dont la dimension sera à l’échelle européenne. La directive anticipe d’ailleurs un risque de concentration et d’augmentation des honoraires d’audit et d’assurance.
Plusieurs axes seront à approfondir :
- Formalisation des méthodologies pour conseiller sur la production de l’information
- Déploiement de missions d’audit par le Commissaire aux Comptes (ou un tiers indépendant) de deux types : missions d’assurance « limitées » et « raisonnables » (évaluation des procédures, des contrôles internes de l’entreprise déclarante, des tests de validation)[3]
- Délivrance d’avis sur la conformité de l’information
- Production de formations pratiques de 8 mois à destination des contrôleurs légaux
En termes d’approche il s’agira d’identifier les institutions impliquées (autorités de contrôle), les personnes clés dans l’entreprise (responsable RSE par exemple) et chez vous (transformation interne) et vos partenaires IT (les progiciels) qui normeront la captation et le traitement de ces données et qui s’inspireront sans doute des logiciels comptables.
Une stratégie efficace devra par conséquent selon nous se concentrer sur 3 points dans le cadre de la recherche d’un chemin critique:
- Définir une veille et une stratégie d’accès aux autorisations en France et dans les pays européens les plus avancés en la matière ;
- Identifier des partenaires parmi les éditeurs de logiciels comptables qui souhaitent évoluer en matière de données non financières : en effet l’enjeu affiché par la Directive est de rapprocher ces deux types d’informations ;
- Promouvoir chez nos clients des postes de responsable de ces nouvelles données sur le modèle du Délégué à la Protection des Données ou créer des alliances avec des parties liées : DSI, DRH, DAF etc.
En conclusion
Qu’il s’agisse du pacte vert, des entreprises à mission ou de la raison d’être d’une entreprise, nous observons une évolution du cadre économique et réglementaire dans lequel évolue les entreprises. La tendance est à l’harmonisation de normes de croissance plus respectueuses du capital environnemental et humain qui se traduisent par de nouvelles normes de gestion conditionnant l’accès au financement, et la communication auprès des investisseurs et du public. Le champ d’application est particulièrement large puisqu’il touche les petites, moyennes et grandes entreprises (à l’exception des micro) et certaines entreprises étrangères.
Il élargira également le marché européen de l’audit et vraisemblablement risque d’en modifier les règles du jeu en suscitant une compétition et une concentration accrue:
« Toutefois, il existe un risque de concentration accrue du marché de l’audit, qui pourrait compromettre l’indépendance des contrôleurs des comptes et faire augmenter les honoraires d’audit ou les honoraires concernant l’assurance de l’information en matière de durabilité ».[4]
C’est donc une bataille importante qui se prépare puisque la date de transcription en droit national diffèrera selon les Etats… Avec une prime aux premiers du fait du principe de libre circulation.
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ANNEXE - Sources analysées
- AMF
- Règles ESG dans l’union européenne
- DIRECTIVE
- Lettre de la DAJ - La publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises
- European Sustainability Reporting Standards (ESRS)
- Cover letter of ESRS
- EFRAG - Draft social - ESRS S1 - WORKFORCE :
[1] (UE) 2022/2464 : Corporate Sustainability Reporting Directive
[2] Le rapport de gestion fait partie des états financiers annuels d'une entreprise
[3] Voir les lignes directrices que produira le CEAOB Chargé d'organiser la coopération entre ses membres, le CEAOB regroupe les régulateurs européens chargés de la supervision de l'audit et un représentant de l'autorité européenne des marchés financiers (ESMA, European Securities and Markets Authority).
[4] Paragraphe 61 de la directive